Quand on envoie un roman à des gros éditeurs, on s'attend à moitié à recevoir des lettres types en cascade, mais on se dit qu'il vaut mieux tenter, sait-on jamais (en plus, en général, ils répondent vite quand ils ont un service dédié aux manuscrits).
Puis vient le jour où on reçoit le refus qui fait plaisir (si si, il y en a !). Vous savez, ces refus très gentils, encourageants, qui disent que votre manuscrit est plein de qualité mais qu'il a un défaut / ne correspond à ce qu'ils cherchent / est trop ceci ou pas assez cela ; bref : "c'est génial, mais ce n'est pas pour nous, envoyez-nous autre chose !".
La première fois qu'on reçoit ce type de refus, on saute de joie. C'est la consécration, la reconnaissance qu'un gros éditeur aime ce qu'on fait même si c'est pas encore tout à fait assez bon... On y est presque, et un jour on les aura, c'est sûr !
Et puis, au cours des mois qui suivent, pour ce projet comme pour les autres, on commence à recevoir d'autres lettres de ce genre. Chaque fois, c'est la même rengaine : "c'est très bien, mais non, mais on continuera à vous lire." Et petit à petit, la joie qu'on ressentait quand on recevait un retour personnalisé d'un "grand" devient de la frustration, voire de l'agacement. C'est comme la 4e place aux JO, pour reprendre la comparaison d'une excellente auteur qui sait très bien de quoi je veux parler : on y est presque, mais on reste éternellement au pied du podium.
Et on se rend compte que ça ne veut pas dire qu'on les aura un jour, ces éditeurs qui nous brossent dans le sens du poil, parce qu'on peut très bien être en inadéquation totale avec ce qu'ils cherchent. Eux, ils veulent nous lire au cas où, par hasard, on fasse une histoire qui leur corresponde : ça ne leur coûte pas grand-chose, et puisqu'ils ont aimé quelque chose dans notre texte, ça vaut le coup de jeter un oeil aux suivants. Mais nous, on ne sait pas ce qu'ils cherchent, et il se peut qu'on ne le sache jamais.
Si j'ai appris une chose de ces expériences, c'est de me méfier de ce genre de réponse. Oui, je continue à leur envoyer des choses, mais je n'y place plus tous mes espoirs en me disant que cette fois, mon roman est mieux que le précédent et que j'ai corrigé les défauts qu'ils y avaient trouvé, que ça ne peut que marcher. Pour moi, écrire un roman qui leur correspond demande des mois de travail, beaucoup d'angoisse et d'attente impatiente, de l'hystérie aussi, et la déception est encore plus cruelle la deuxième fois (c'est toujours très bien, mais c'est toujours non, mais on vous lira encore, hein !). Pour eux, cela ne prend que quelques heures, ce n'est en rien une promesse que ça fonctionnera un jour.
Bref. Ceci n'est pas un billet désabusé du monde éditorial, juste un constat pour épargner les nerfs de ceux qui seraient dans la même situation que moi : un retour personnalisé, c'est génial, c'est une excellente accroche pour envoyer autre chose et prendre contact avec l'éditeur, mais n'en faisons pas une montagne, car pour l'éditeur, cela représente beaucoup moins que pour nous.
Qu'en faire, du coup ?
1) Récupérer le nom du contact et lui envoyer le manuscrit directement la fois suivante.
2) Essayer de gagner le droit d'envoyer par mail pour économiser du papier et des timbres.
3) Tirer du retour personnalisé une idée de la personne qui nous lit, pour savoir si on pourra peut-être lui correspondre un jour (attention, à prendre avec des pincettes, c'est juste une lettre, mais ça donne le ton !)
4) Si on le souhaite, continuer à lui envoyer des projets, sans y mettre plus d'espoir que pour les autres, mais avec l'assurance qu'on sera lus avec bienveillance, et vraisemblablement plus vite que la première fois.
5) Si le manuscrit est publié, tenir l'éditeur au courant, pour lui montrer qu'on avance et qu'on tient à garder contact avec lui pour la suite.
Et parfois, cela donne lieu à d'autres projets, comme des commandes ou bien des conseils sur ce qu'ils cherchent, et alors on avance encore d'un pas vers le monde des grands... mais ceci est une autre histoire !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire